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 Un travail de longue haleine.

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Salbusin
l'infatigable fatiguant



Messages : 70
Date d'inscription : 15/04/2008

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MessageSujet: Un travail de longue haleine.   Un travail de longue haleine. Icon_minitimeSam 10 Mai - 15:29

Chapitre I : Un travail de longue haleine.


Le soir n'était plus très loin. Pour de nombreux paysans thessaliens, l'heure était aux derniers efforts ou aux préparatifs pour le lendemain, avant le retour dans leurs chaumières et le repas réparateur qui suivrait.
Les ères se succédaient mais certaines choses ne changeraient sans doute jamais. Les choses les plus élémentaires, celles qui cimentaient Thessalie toute entière en vérité.
Le reste, les désirs insatiables et les folies de grandeur, ce qui ne durait pas mais bouleversait tout sur son passage, cela était le domaine des Anathoïs et de tous ceux qui gravitaient autour d'eux.




Le Nain qui tirait une charrette sur la route pavée menant aux royaumes de Samildanach et de Calypso n'appartenait pas à la paysannerie, pourtant sa vie n'en était pas moins laborieuse et modeste.
Pour certains, être colporteur voulait dire voyager de contrée en contrée, troquant des marchandises improbables contre des biens rares, connaissant un jour une relative aisance et dormant dans un champ un autre jour.
Mais quand on était Nain, qu'on commerçait des minerais et qu'on vivait à quelques lieues de plusieurs mines et d'un assez gros comptoir, cela voulait dire faire les mêmes trajets chaque jour de l'année. Et la marchandise n'ayant elle non plus rien d'exceptionnel, se contenter d'un avoir stable mais peu élevé.

Toutefois il allait peut-être y avoir du changement bientôt. Des rumeurs circulaient selon lesquelles Chaos pourrait autoriser l'ouverture du Gran'Marché dans peu de temps.
C'était un évènement très important, un Thessalien pouvait jouir d'une longue vie sans jamais y assister. C'était également le signe de nombreux bouleversements à venir, si la rumeur était fondée, des bienfaits comme des méfaits. D'un côté, le prix des minerais comme de la plupart des autres marchandises grimperait en flèche, les besoins toujours croissants des Anathoïs les aspirant bien plus vite qu'on ne pouvait les produire. D'un autre côté, le Gran'Marché n'était que l'un des prémices d'une époque de guerres incessantes où les Anathoïs s'allieraient pour mieux s'affronter, avec toutes les calamités que cela amènerait aux peuples de ces terres.
On contait auprès du feu, le soir venu, ces temps de pouvoir et de légende, de gloire et de folie, qu'avait jadis connus Thessalie. On disait qu'alors une grande partie de ses villes étaient gangrenée par une société secrète des plus malfaisantes nommée la Guilde, que son sol tremblait sous les sabots de montures chevauchées par les redoutables Mongols, maîtres d'un empire au nom ridicule mais aux armées invincibles.
Certes ce n'était pas les superstitions ni les balivernes qui manquaient dans le coin et probablement dans toute Thessalie. Mais il y avait quelque chose de différent dans ces récits, quelque chose qui remuait l'âme, qui leur donnait une inexplicable apparence de réalité.

Le Nain laissa échapper un soupir de contentement, quoique un Humain aurait fort bien pu prendre cela pour un grognement hargneux. Il venait de quitter le pays de Kalifriss, une contrée qu'il détestait, pleine de maléfices et d'histoires troubles. Il ne s'y était aventuré que sur deux ou trois lieues mais il aurait encore préféré ne jamais y poser le pied, d'autant plus qu'une Liche avait élu repaire non loin.
Encore deux lieues seulement et il atteindrait le village où il avait creusé son chez lui, après son long voyage depuis les montagnes de l'Ouest. Cette nouvelle route était tout de même fort pratique, il en aurait presque remercié les deux Anathoïs qui l'avaient construite. Mais il lui semblait avoir entendu dire qu'ils appartenaient à l'Empire du Styx, une guilde infernale sans doute mue par quelque ignoble dessein et qui se débrouillerait sûrement pour invoquer une horreur et la laisser divaguer sur leurs terres, un de ces jours... Enfin, ce monde était ce qu'il était et il fallait bien faire avec. Heureusement il y avait la cervoise... Une chope de ce délicieux breuvage l'attendait, au frais sous une des pierres du petit ruisseau qui courait à côté de chez lui. Il imaginait avec délice la mousse fraiche humectant ses lèvres, l'éclat noir du breuvage à l'ombre de sa cave...




Perdu dans ses pensées, habitué qu'il était à l'effort, il ne prêtait plus grande attention à ce qui se trouvait devant lui. Soudain il tressaillit.
Plusieurs ombres, à quelques coudées sur sa droite. Bien que déclinant aux portes du crépuscule, le soleil était encore fort dans le ciel presque dépourvu de nuages. Malgré cela, les cinq êtres qui se tenaient aux abords de la route restaient impénétrables aux regards. Des vêtements sombres, complètement noirs pour trois d'entre eux, les couvraient des pieds à la tête, celle-ci étant cachée qui par un turban, qui par un large chapeau. On devinait que ce n'était pas les derniers manants du coin mais en dire plus, cela aurait été difficile.
Ils le regardaient, immobiles derrière le liseré de pierre qui bornait la route. On aurait dit qu'ils venaient de surgir de terre, en cet endroit où il n'y avait rien. La légère brise qui soufflait alors ne trouvait pas un bout de tissu à faire voleter dans leurs habits lisses, accentuant l'impression d'avoir affaire à des statues.

Le Nain ne laissa rien paraître, chose qui lui était des plus faciles, tout en appréhendant un peu le moment où il arriverait à leur hauteur.
Il n'avait jamais eu trop à craindre les malfaisants, depuis qu'il habitait ici. En dessous du Pays de Kalifriss qu'il abhorrait tant se trouvaient les Champs de Bohémien, région dans laquelle il était entré tantôt et qui de toutes les contrées de Thessalie, était certainement celle où l'on avait le moins à craindre pour sa vie.
C'était pour cela qu'il l'avait choisie, pour la protection que le dieu tutélaire qui lui avait donné son nom y étendait jour après jour. Ici, les Anathoïs qui voulaient en découdre faisaient apposer des écriteaux dans les places publiques pour garantir au peuple qu'il ne lui arriverait rien lors des combats, ils utilisaient des dizaines d'éclaireurs à seule fin de s'assurer qu'aucun autochtone ne se trouvait près du champ de bataille. Ce n'était pas qu'ils soient meilleurs que les seigneurs et dames du reste de Thessalie. Simplement, ceux qui ne respectaient pas ces règles subissaient peu après les remontrances d'un vieil homme affable au détour d'un chemin... puis un ou deux fléaux "naturels" frappaient leurs possessions.

L'un des voyageurs marcha vers lui d'un pas rapide; ce devait être un Humain d'après sa stature. Les autres ne bougèrent pas d'un pouce.
De toute évidence, il allait devoir parler avec l'inconnu... ou courir pour sauver sa vie. Il se serait fait fort de lui défoncer le torse de sa pioche, cela valait pour les quatre autres aussi d'ailleurs. Mais il savait qu'en ces terres, il fallait se méfier des personnes bien habillées qui voyagent sans armes ni escorte.


"Salut à vous! dit-il. Nous cherchons notre chemin, pouvez-vous nous aider?"
L'Humain parlait le Langage Commun avec un léger accent que le Nain ne reconnût pas. Son ton se voulait aimable.
"Hum... Oui, pour sûr que j'le peux. J'habite dans l'coin d'puis vingt ans...
- L'agora est loin d'ici?"
- L'agora? Que c'est cette chose là?
- Vous connaissez sûrement, ce sont des ruines. Un grand mur de pierre en forme de cercle...
- Ah! L'ancienne place publique... Pour sûr que j'connais! Vous lui tournez le dos, faut vous en r'tourner vers le Nord et vers le Levant. Vous voyez les arbres un peu tordus qui sont là-bas? Ben vous y trouvez un vieux chemin tout envahi d'mauvaises herbes et c'est là, faut juste marcher une lieue, pt'être une et demi...
- Merci infiniment. Vie et santé à vous!
- Merci..."

L'humain tourna les talons.
Bien qu'il eut essayé, le colporteur n'avait rien pu voir de son visage. Il n'était pas vraiment caché mais entre le bord de sa houppelande qui lui mangeait le menton et le chapeau écrasé sur sa tête, on aurait pu tout aussi bien le confondre avec n'importe qui, si ce n'était la longue queue de cheval rousse que formaient ses cheveux clairs.
Revenu auprès de ses compagnons de route, l'homme à la houppelande leur dit simplement:


"C'est bon, suivez-moi."

Outre lui, il y avait là un homme bedonnant et voûté portant un chapeau de paille démesuré sur la tête et une robe bleue sombre, assez jolie, qui faisait penser à l'habit d'un prêtre; un autre dont la tête était entièrement prise dans une sorte de casque fait en cuir bouilli ou quelque chose d'approchant, deux étranges lorgnons oranges à la place des yeux; un quatrième était enveloppé dans un manteau à capuche qui dissimulait les moindres contours de ses formes; enfin le dernier était vêtu d'une robe noire tenue par une ceinture sophistiquée et portait un turban noir assorti. C'est celui-ci qui se tourna vers l'homme au capuchon et lui demanda:

"Ou m'emmenez-vous?
- Patience, je veux vous laisser la surprise."

Ils suivirent les indications du Nain. Le chemin en mauvais état les conduisit, un quart d'heure plus tard, à un talus herbeux. Tout était verdoyant autour d'eux, un vert auquel les derniers rayons du soleil, frappant leur dos, mêlaient une subtile nuance de pourpre. On voyait les ruines de l'agora sur la droite.

"Evidemment...
-Alors, vous appréciez? J'aurais cru que vous reconnaîtriez Thessalie cependant, j'avoue que vous me décevez un peu sur ce coup...
- J'avais reconnu. Simplement je ne pensais pas que vous choisiriez cet endroit. Votre humour bien à vous, je suppose."
Devant eux s'étendait une vaste plaine. On l'appelait parfois la plaine de l'Immortalité, elle se trouvait à l'Ouest de l'Île des Pluies et au Sud de l'Île de Kalifriss, à l'intersection de La Fourche et des Champs de Bohémien. C'est-à-dire au centre de Thessalie.
"Cet endroit est hautement symbolique. D'abord de ce que vous venez faire ici; c'est le centre de toutes les ambitions et de toutes les forces qui animent Thessalie, la zone de l'échiquier dont le contrôle offre la gloire éternelle ou précipite dans les crevasses de l'amertume et du désespoir. Ensuite il y a une allusion un peu plus personelle dans le choix de cet endroit. Je suis sûr que vous la saisirez, il y a des choses qu'on n'oublie pas. Souvenez-vous..."
L'être à la robe et au turban noirs fixa l'étendue herbeuse. Bien qu'il ne dise rien, n'importe qui l'observant à cet instant aurait compris qu'il se remémorait quelque chose.
"C'est cela, le message? Je suis votre pantin?
- Je le crains.
- Je ne devrais même pas être ici, j'ai une mission. Vous vous en moquez peut-être mais si je ne fais pas ce que je dois faire, les conséquences s'en feront sentir en Thessalie aussi. Et vous ne pourrez pas les ignorer, croyez-moi.
- Peut-être; j'ai déjà entendu vos arguments et ma décision est prise, merci. Si vous voulez avoir un jour la chance de poursuivre vos petites marottes, (1) il faudra vous en tenir à ce que je vous dis.[/color]
- Je n'ai même pas compris exactement ce que vous attendiez de moi...
Chaque chose en son temps, ne nous précipitons pas. J'attends d'abord de vous que vous vous mêliez des affaires de cette terre que je connais mal, que vous rencontriez les Anathoïs les plus prometteurs, les plus influents, les plus inspirés.
J'attends de vous que vous me dévoiliez les délices des personnalités les plus rares et les plus remarquables qu'on trouve aujourd'hui en Thessalie, exactement comme un parfumeur fait naître des fleurs de son jardin un éventail de senteurs uniques.
Et pour cela vous devez en premier vous rendre là où il y a le plus de pouvoir.
[/color]
- Où cela?
- C'est à vous de me le dire.
- Pardon?
- Nous allons maintenant nous séparer, vous pouvez allez où vous voulez. Au Nord, au Couchant, au Levant, au Sud, prenez la route qui vous inspirera le plus et cherchez les traces du pouvoir. Le pouvoir est comme un parfum lui aussi, il se sent quand on y a déjà goûté. Je vous fais toute confiance, joignez-vous à l'alliance que vous jugerez la plus à même de marquer Thessalie de son empreinte.[/color]
- Je ne suis pas ici depuis une heure et je peux déjà sentir l'emprise du Mal sur cette terre. Les alliances qui marqueront Thessalie durant cette ère seront liées aux ténèbres ou à la guerre, l'avenir est sombre...
- Alors tirez-en les conséquences. Allez là où le Mal a fait sa tanière...
- Vous savez tout sur moi alors vous comprenez que dans ce cas, je ne suis pas celui qu'il vous faut.
- Je suis sûr que si au contraire, cher... Comment vous appellerez-vous, au fait?[/color]
- Salbusin.
- Salbusin, assez joli. Bonne chance, c'est un travail de longue haleine qui vous attend... Salbusin."

Sur ces mots, l'homme au grand manteau fit signe aux trois autres de la main. Celui qui portait un casque étrange et celui qui avait une queue de cheval se rapprochèrent de lui, presque jusqu'à le toucher. L'homme s'accroupit et posa une main sur le sol. La terre se mit à trembler légèrement sous lui, on eut dit qu'elle devenait liquide. Les vibrations qui la parcouraient s'accentuèrent et elle se transforma en une soupe bariolée de fragments tourbillonnants, des myriades de poussières ocres et sombres enveloppèrent les trois hommes. Leurs silhouettes s'enfoncèrent dans le sol en quelques secondes et celui-ci revint rapidement à la normale.

Resté sur place, le gros homme à la robe bleue sombre et au grand chapeau de paille se tourna vers Salbusin, toujours sans qu'on puisse distinguer son visage noyé dans l'ombre par sa coiffe.

"Je vous souhaite moi aussi bonne chance, mon ami. Je reste en Thessalie pour le moment, il paraît que j'ai à y faire... Nous nous reverrons certainement un de ces jours."
Salbusin ne répondit rien. Un silence passa.
"Bon, je vais aller me trouver une taverne, je ne sais pas pour vous mais je suis mort de soif."
C'est seulement quand l'homme au chapeau de paille fut loin que Salbusin se mit en route, d'un pas lourd.



HRP: (1) marotte = passe-temps, je le précise car ce mot n'est presque plus utilisé aujourd'hui.


Dernière édition par Salbusin le Ven 16 Mai - 0:54, édité 2 fois
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Salbusin
l'infatigable fatiguant



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MessageSujet: Re: Un travail de longue haleine.   Un travail de longue haleine. Icon_minitimeVen 16 Mai - 0:50

Il n'alla pas très loin. Cette plaine neutre dont il s'apprêtait à fouler le sol était la première étape de sa quête, un passage obligé.

Mage il était et en mage il raisonnait.
Peu importe quels Anathoïs, royaumes ou guildes tenaient le haut du pavé en Thessalie à l'heure présente. Si Chaos avait bien décidé d'ouvrir le Grand Marché, comme l'homme au manteau le lui avait affirmé peu avant leur arrivée, tout cela allait bientôt changer.
Il connaissait ces terres, il savait déjà comment cela se passerait: des alliances insoupçonnées se révèleraient au grand jour, des pouvoirs mystérieux feraient parler d'eux. Les anciens domaines voleraient en éclat, certains perdraient leur statut d'Anathoï en même temps que leurs fidèles tandis que d'autres y accéderaient en se taillant un royaume. Tout Thessalie ne parlerait plus que des évènements étranges et des hauts faits qui se produisaient partout. Des cultes apparaîtraient et chercheraient à convertir le plus d'âmes possibles, d'anciens empires tenteraient de se reformer et de nouveaux les concurrenceraient, des guildes aux buts obscurs étendraient leur emprise sur tout le continent.
Deviner qui seraient les gagnants et les perdants de ce grand bouleversement était pratiquement impossible, même pour quelqu'un disposant d'un vaste réseau de connaissances. Et il était tout seul.


° Non, ce n'est pas en écoutant les rumeurs des campagnes thessaliennes que je vais y arriver. Ce n'est pas un monde comme les autres, chaque pouvoir qui naît ici a une aura unique; il faut juste que j'arrive à la sentir. C'est peut-être cela qu'il voulait dire avec son histoire de parfum... °

Salbusin se trouvait maintenant dans la partie orientale de la Plaine de l'Immortalité. Il marcha encore droit devant lui pendant une dizaine de minutes, jusqu'à en atteindre le centre.
On voyait déjà quelques traces de combats, des pièces d'armure ou des dagues émaillant ici et là l'étendue d'herbe verte. C'était un signe car en temps normal, on n'y guerroyait jamais. Les Anathoïs s'agitaient.
Arrêté en ces lieux alors vides de tout âme, dans la pénombre de la nuit qui tombait sur Thessalie, il ferma les yeux et étendit les bras. Ses pieds quittèrent lentement le sol et son corps s'éleva, comme emporté par un tourbillon invisible et lent. Il virevolta de plus en plus rapidement dans l'air du soir.
En son esprit jaillissaient des couleurs, des sons et d'autres sensations que les mots ne peuvent décrire. Autant de volontés qui s'étaient récemment attardées en ces lieux. Il ne pouvaient distinguer lesquelles précisément, cela ne fonctionnait pas ainsi. Mais de cette masse diffuse se dégagèrent rapidement des teintes dominantes. Beaucoup de noir et de rouge, comme il s'y attendait, le désir de domination et de puissance était à son paroxysme en ces terres. Il ne pouvait rester dans cet état plus de quelques minutes sans s'épuiser et dût relâcher la pression qui étreignait son crâne. Le vent le porta doucement sur la terre ferme.

Un Mage de l'Eau aurait été bien plus efficient pour cette tâche, c'était un domaine de son art qu'il connaissait assez mal.
Cependant il n'était pas complètement aveugle: les courants étaient bien plus forts dans une direction que dans les autres, vers le Nord-Ouest. Cela ne voulait pas nécessairement dire que ce qu'il cherchait s'y trouvait, il se pouvait très bien que de puissants Anathoïs n'aient pas tenu à venir sur la Plaine et dans ce cas il n'y avait aucune aura à sentir. Mais il fallait bien commencer par quelque part...
Sous le voile noir qui le couvrait, son visage se plissa légèrement. Le Nord-Ouest, il aurait presque oublié ce qui s'y trouvait.


° C'est assez près d'ici pour que je m'y transporte. Mais une fois là-bas, je peux avoir besoin de toute mon énergie... Hum... Tant pis, je prends le pari. °
Beaucoup de non-initiés pensaient que la magie était une affaire mystique, que les raisonnements des mages étaient hors de portée du commun des mortels. Mais en réalité la vie quotidienne d'un mage était souvent marquée par des calculs très concrets, celui-ci ayant une idée très précise de ce qu'il pouvait demander à son corps et cherchant donc à user son énergie de la manière la plus rentable possible.

Salbusin se tourna vers le Nord-Ouest. Ses doigts gantés, joints en des signes cabalistiques, tracèrent des runes d'aspect géométrique dans le vide.
Le sortilège de Transport était l'un des plus connus et des plus difficiles de la Magie de l'Air, mal le contrôler pouvait mettre son lanceur dans les pires situations qu'on puisse imaginer. Mais cela faisait longtemps qu'il ne craignait plus de finir éparpillé en plusieurs endroits différents, l'expérience était passée par là.
La silhouette de Salbusin devint soudain fuligineuse, une mince fumée s'échappait de tout son corps et l'entourait rapidement. Dans un sifflement sonore, il fut aspiré par cette brume et la Plaine redevint complètement vide.



~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ * * * ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~


En recouvrant la vue que le sortilège lui avait momentanément ôtée, il fut heureux de constater qu'il s'était transporté pile où il voulait. Il se souvenait bien de cette petite butte ombragée par quelques arbres aux racines entremêlées. C'était un endroit des plus discrets, impossible à surveiller à moins de cent coudées.
Devant lui, la masse sombre de l'Île de Kalifriss se détachait, ombre plus noire que les autres ombres. Il aurait dû comprendre tout de suite que sa route le mènerait là. Quel lieu fascinait plus ceux qui rêvaient de dominer Thessalie?
Il se trouvait au bord de l'eau, juste au Sud de l'Île, là où il y avait le moins d'espace entre elle et la rive. Se transporter directement sur l'Île était hors de question, un Anathoï avait pu l'investir. De toute façon, il était toujours risqué d'user d'un sort puissant en un tel endroit, nul ne savait vraiment quelles forces avaient été déchaînées en ces temps immémoriaux où le passionné Kalifriss faisait trembler Thessalie. Un accident est si vite arrivé...


° Voyons voir, songea-t-il en se penchant pour scruter les berges de la rivière, c'est bien le diable si je ne trouve pas une barque ou quelque chose dans ce genre là... °

Il aurait pu voler de l'autre côté de la rive mais le souci d'économiser son énergie était toujours présent. Il ne savait pas quelles étaient vraiment ses facultés en Thessalie, la prudence s'imposait.
Il finit par apercevoir une sorte de bac sur la rive à un peu plus de cent coudées sur sa droite, sans doute plus approprié pour transporter du poisson séché qu'une personne. Tant pis, il n'était pas bien lourd de toute façon.


° Heureusement que j'ai toujours de bons yeux... °

Il tendit la main vers la nacelle en bois. La corde qui la tenait fut secouée de petits tremblements et son nœud finit par se défaire. La nacelle dériva doucement sur l'eau, attirée dans sa direction.
Il arracha un rameau à un arbuste à côté de lui et le dépouillant de ses feuilles, s'en fit une pagaie. Grimpant dans son embarcation de fortune, il n'eut pas à faire beaucoup d'effort pour la rapprocher de la rive opposée, le courant lui étant favorable.


° Le plus urgent c'est de savoir si l'Île est habitée...

Il posa le pied sur une petite plage de graviers et y échoua le bac. Il connaissait l'Île comme sa poche, il y avait passé suffisamment de temps à réfléchir et méditer, il y avait bien longtemps de cela...
Bien que se refusant à toute magie en ce lieu, y compris donc un sortilège d'Invisibilité, Salbusin savait être discret. Il se faufila de recoin en recoin, tapi dans les fougères ou collé contre un tronc d'arbre, jusqu'à ce qu'il soit certain qu'aucun seigneur ou dame n'étaient venus apposer leur marque sur ces lieux. Du moins, pas encore... Libéré de cette crainte, il se rendit directement au centre de l'Île.

L'Île de Kalifriss était avant tout un endroit sauvage, les vestiges de la Première Ere étaient rares. Mais il y en avait un qui avait toujours résisté aux outrages du temps.
C'était à l'origine une simple chapelle, conçue pour favoriser l'agrégation de mana et l'utilisation de la Magie de Chaos. On racontait que Kalifriss y avait lu une page de son Livre des Secrets, un jour, sans bien sûr que quiconque puisse authentifier ces dires, à part sans doute Chaos lui-même. Elle était l'un des lieux de "pélerinage" préféré de tous ceux qui aimaient se rendre sur l'Île pour rêver à la puissance et au destin du grand Kalifriss, du moins la coupole partiellement détruite et fissurée qui en restait aujourd'hui.
Salbusin se trouvait maintenant en face d'elle.

Il pénétra dans les ruines, lentement. Plongea la main dans sa besace et en tira une bougie ronde, puis deux petites pierres et une mèche d'amadou. Une étincelle suffit à enflammer la mèche, avec laquelle il alluma la bougie. Le petit palet de cire devint phosphorescent, projetant une lueur fantomatique sur les murs délabrés.
Le mage s'assit en tailleur et posa la bougie au creux de ses jambes, en équilibre sur le tissu de sa robe. Il ferma les yeux et se concentra. Une odeur enivrante envahissait l'endroit, un parfum qui appelait à la fête et au plaisir. Mais la fête, le plaisir et l'ivresse étaient aussi des moments privilégiés pour entrevoir l'autre monde, pour s'élever à un plan de conscience supérieure...
Les volontés qui avaient imprégné ce lieu commençaient à traverser son esprit.


° J'ai eu raison de venir ici. Des forces très puissantes se sont penchées sur ce bout de terre il y a peu... °

Si un esprit profane n'y aurait vu aucune différence, pour lui l'odeur agréable avait mué en plusieurs fragrances différentes, prenant le dessus les unes après les autres.
Il y avait une senteur âcre, profonde, qui fouettait les sangs et faisait inévitablement penser à la guerre.
Une autre qui lui ressemblait quelque peu mais en bien moins agressif, apportant au contraire un sentiment de gloire et de force.
Un puissant fumet de souffre qui prenait à la gorge, tout droit issu des entrailles des Enfers.
Un arôme étrange, double, évoquant à la fois la nature sauvage et les encens mortuaires.
Un effluve insupportable, comme les exhalaisons d'une charogne auxquelles on aurait mêlé des relents capiteux.
Un doux parfum de fleurs enfin, plein de fraicheur et d'espoir, plus faible que les autres également.
Ses sens s'amenuisaient, il n'avait plus conscience du poids de son corps, il sentit qu'il était temps d'interrompre le rituel s'il ne voulait pas entrer en transe et rester perdu dans l'autre monde de longues heures, totalement vulnérable.
Toutefois, alors qu'il s'apprêtait à rouvrir les yeux, il perçut une odeur qui lui avait échappé. Elle était plus subtile que toutes les autres, on devait faire un effort pour la sentir complètement. Elle ressemblait aux émanations sulfureuses qui l'avaient agressé un instant auparavant, avec quelque chose de différent. Comme du bois mort qu'on aurait fait brûler, profonde sans être complètement désagréable. Salbusin avait déjà une idée du genre d'êtres que pouvaient représenter les autres, en revanche pour celle-là c'était le noir total.
Il rouvrit les yeux et souffla la bougie.


° Je n'ai plus rien à faire ici, pensa-t-il, cet endroit m'a offert tout ce que je pouvais en tirer. °

C'était à lui de suivre les courants de la magie, maintenant. Elle irriguait cette terre depuis toujours ou en tous cas, depuis plus longtemps que personne à part Chaos ne pouvait s'en souvenir. Ses rivières invisibles le mèneraient à ceux qu'ils cherchaient.

Il regagna rapidement la rive Sud de l'Île et remit le bac à l'eau. Parvenu sur la berge de la rivière, il tint à remettre son embarcation exactement au même endroit. Elle devait bien appartenir à quelqu'un et outre qu'il n'aimait pas beaucoup voler ou détruire les biens d'autrui, même les plus modestes, il était inutile qu'on sache qu'elle avait été utilisée. On n'était jamais assez prudent.
Il revint sous le couvert des arbres, se demandant comment il allait désormais voyager. C'est seulement alors qu'il sentit une présence autre que la sienne.


"A terre et pas de résistance! Au nom des guerriers Myrmidons, nous vous faisons prisonnier!"

Il y avait là une demi-douzaine d'Humains. Et ils étaient lourdement armés.
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